Saviez-vous que seulement 10 à 20% des personnes atteintes de schizophrénie ont un emploi ? Et que ceux qui en avaient un avant le début de la maladie le perdent fréquemment ou éprouvent de grandes difficultés à le garder lorsque la maladie est installée ?
Chez Groupe Innova, nous contribuons à hausser cette statistique en embauchant une majorité de travailleurs ayant des problèmes de santé mentale. Derrière chaque bien ou service que nous offrons, il y a une histoire. Une histoire unique empreinte de défis et d’adversité. Bien souvent, nos travailleurs ont connu des difficultés dans leur parcours professionnel.
Mais quels sont ces obstacles à l’emploi ?
Il semblerait que les symptômes cliniques de la maladie et les déficits cognitifs sont les deux principaux facteurs incriminés.
Les antipsychotiques permettent de limiter les symptômes cliniques. Or, on s’est aperçu qu’ils n’ont pas d’effet sur les déficits cognitifs, qui sont pourtant invalidants.
Ces derniers peuvent néanmoins être améliorés par la remédiation (ou rééducation) cognitive.
Dans cet article, je discuterai de comment la remédiation cognitive permet d’entreprendre de nouveaux défis cognitifs et de comment elle favorise l’insertion et le maintien en emploi chez les personnes atteintes de schizophrénie et de bipolarité.
Les déficits cognitifs chez les personnes ayant la schizophrénie
Tout d’abord, il est établi que les personnes atteintes de schizophrénie ont des déficits cognitifs :
- L’attention (capacité à maintenir son attention, à faire passer son attention d’un point à un autre).
- La mémoire de travail (capacité à garder en tête plusieurs informations sur lesquelles des opérations mentales sont effectuées).
- Les fonctions exécutives (contrôle des pensées, des actions et des émotions).
- La métacognition (se regarder penser).
- La cognition sociale (prévoir ou expliquer le comportement de nos semblables en leur attribuant des croyances, souhaits, intentions et émotions).
Ces déficits cognitifs interviennent dans le fonctionnement quotidien. Par exemple, une personne qui n’est pas en mesure de fixer son attention pourrait éprouver de la difficulté à suivre une émission à la télévision. Ou encore une personne qui éprouve des difficultés de mémoire pourrait faire ses courses avec difficulté.
Les difficultés cognitives ont aussi un impact sur les habiletés sociales ou la capacité à occuper certains rôles sociaux (avoir un conjoint, élever des enfants).
Les déficits cognitifs chez les personnes ayant la bipolarité
Tout comme dans la schizophrénie, les personnes ayant la bipolarité présentent aussi des déficits cognitifs. Entre les crises, les déficits cognitifs touchent la mémoire, l’attention, la vitesse de traitement de l’information et les fonctions exécutives. Le niveau intellectuel global n’est pas altéré. Aucune différence significative de quotient intellectuel n’a été mis en évidence entre les sujets bipolaires et les témoins sains.
Les personnes bipolaires présentent un déficit en mémoire de travail, ce qui joue un rôle important dans le handicap fonctionnel : difficulté à suivre une conversation, à lire, à effectuer une double tâche, etc.
Plusieurs études rapportent un lien entre les symptômes psychotiques lors d’une crise et un déficit en mémoire de travail. Ainsi, l’atteinte en mémoire de travail serait davantage associée aux symptômes psychotiques plutôt qu’au diagnostic en tant que tel.
Selon l’hypothèse neurotoxique, la répétition des crises entraînerait une dégénérescence cérébrale, ayant pour conséquence l’apparition ou l’aggravation de troubles cognitifs.
La remédiation cognitive
Mais les troubles cognitifs peuvent heureusement être améliorés par le biais de la remédiation cognitive. Celle-ci complète l’action des antipsychotiques et de la psychothérapie. Elle renforce les connexions dans le cerveau.
Validée uniquement auprès des patients atteints de schizophrénie, plusieurs auteurs suggèrent qu’elle serait bénéfique aux patients atteints d’un trouble bipolaire.
Son utilisation chez les patients ayant fait un premier épisode psychotique est fortement recommandée (après la crise). Elle devrait être précédée d’une évaluation en neuropsychologie qui permet de caractériser précisément les troubles cognitifs.
Une fois les troubles identifiés, la rééducation cognitive permet d’entraîner les fonctions cognitives déficitaires, telles que l’attention, la mémoire et les fonctions exécutives. Elle repose sur la passation répétée de batteries d’épreuves cognitives.
La rééducation cognitive permet aussi de renforcer les compétences cognitives impliquées dans les relations sociales : décodage des émotions et des intentions des autres, tenir compte des éléments contextuels permettant de comprendre les interactions, etc.
Notons que les programmes de remédiation cognitive seraient encore plus efficaces si les stratégies de rééducation étaient adaptées aux problèmes spécifiques rencontrés par la personne.
Les types d’approches
Il existe quatre types d’approches de remédiation cognitive.
- L’entraînement cognitif des capacités de base : il s’agit d’un entraînement intensif d’une compétence cognitive (ex. attention, mémoire de travail) et qui est fondé sur la plasticité cérébrale. L’objectif est d’augmenter le recrutement des neurones dédiés à une fonction cognitive. L’ordinateur est très souvent utilisé.
- L’apprentissage de stratégies : apprentissage de stratégies utiles à une meilleure réalisation de la tâche. Par exemple, pour améliorer sa mémoire, une personne peut apprendre à organiser et catégoriser des informations, ou encore identifier les points essentiels d’un récit pour le comprendre et s’en souvenir.
Voici des exemples de stratégies :
Stratégies pour apprendre
- Se concentrer
- Se souvenir d’abord des grandes idées, ensuite des détails
- Faire du sens avec l’information par rapport à nos intérêts
- Utiliser nos sens et notre corps
- Rendre l’information farfelue
Stratégies de stockage
- Regrouper
- Penser en images
- Répéter
- L’apprentissage espacé (pratiquer à la maison, en conduisant)
- Trouver une signification
Stratégies pour se souvenir
- Visualiser le contexte
- Bouger son corps
- Penser à un autre sujet et y revenir ensuite
Stratégies pour diviser son attention
- Ne pas faire trop de tâches en même temps
- Éviter le multitâches lors d’une activité nouvelle ou difficile
- Les deux tâches devraient être aussi différentes que possibles
- Prioriser l’une des tâches si nécessaires
- Les approches par compensation : aide-mémoires, check-list, etc.
- Les programmes intégrés : ce sont des programmes complets en groupe qui combinent différents apprentissages portant sur des fonctions cognitives de base, des habiletés sociales et des habiletés de résolution de problèmes. L’IPT (Integrated Psychological Therapy) et la CRT (Cognitive Remediation Therapy) en sont des exemples.
Chez Groupe Innova, certaines stratégies sont utilisées pour compenser les habiletés cognitives déficitaires des travailleurs. Ainsi, instaurer une routine sécurisante pallie à une faiblesse de la mémoire de travail, tandis que mettre l’accent sur des tâches techniques sollicite moins d’habiletés cognitives avancées. Groupe Innova se distingue aussi par un accompagnement hors pair de ses employés, ce qui facilite la résolution de problèmes.
L’insertion professionnelle et le maintien en emploi
Dans la schizophrénie et la bipolarité, l’obtention d’un travail et la capacité à se maintenir en emploi sont souvent compromis par l’existence de troubles cognitifs. À son tour, l’absence d’emploi est liée à l’absence d’autonomie financière et aux difficultés d’insertion sociale. Cela ayant pour résultat d’alourdir le coût financier et social de la maladie.
Puisque la remédiation cognitive améliore l’insertion professionnelle, elle devrait être proposée en amont de tout projet de retour à l’emploi.
La socialisation
Certes, il y a la rééducation cognitive, mais il y a aussi la socialisation. Une socialisation régulière – qui peut comprendre un repas entre amis, un long appel téléphonique ou la participation à des activités de groupe comme des cours d’activité physique ou du bénévolat – stimule les fonctions cognitives du cerveau et favorise une bonne santé mentale.
En conclusion
Par le biais de ses différentes approches, la remédiation cognitive permet d’améliorer les compétences cognitives, et par ricochet, d’améliorer l’insertion et le maintien en emploi. En réalité, les compétences cognitives sont comme la base d’une pyramide. Lorsque cette base est plus solide, la personne atteinte est en mesure de travailler sur d’autres aspects de sa vie.
Une base plus solide, c’est aussi la capacité de voir la frustration comme un défi. Au lieu de dire « Je ne peux pas faire ça. C’est trop difficile. » Pourquoi ne pas dire « Ce défi est une opportunité d’exercer mes capacités cognitives. La frustration veut dire que c’est un bon défi pour mon cerveau. »
Mais au-delà des déficits cognitifs engendrés par la maladie mentale, il faut reconnaître que les personnes ayant ce type de condition ont bien souvent développé une variété de qualités qui sont toutes à leur honneur : persévérance, engagement envers le travail et souci du travail bien fait.
Et vous, trouvez-vous que les travailleurs ayant un problème de santé mentale ont développé des qualités constituant des avantages pour les entreprises qui les engagent ?
Dites-moi tout en commentaires.