L’humain est un animal social !

 

Et pourtant, nos manières de vivre, notamment dans nos sociétés occidentales, engendrent souvent de la solitude.

 

Pendant des millénaires, les humains se sont structurés autour de liens étroits et contraignants, qui donnaient peu de place aux individualités, et donc à la solitude. Il faut attendre la modernité occidentale pour que la solitude devienne une expérience fréquente, voire épidémique.

 

Aux États-Unis, 22% des adultes souffrent de solitude chronique, ce qui est plus que les gens qui fument ou qui ont le diabète. Au Québec, le tiers des ménages est constitué de personnes seules. Et une personne sur douze mentionne n’avoir aucun ami. La solitude touche toutes les couches de la société.

 

 

Les deux formes de solitudes

 

Il existe deux formes de solitudes. La première est la solitude sociale, qui réfère au fait de n’avoir presqu’aucun contact interpersonnel. On parle alors d’isolement, un état qui s’accompagne souvent d’un sentiment d’exclusion.

 

La solitude affective, quant à elle, réfère à l’absence de liens affectifs intimes de qualité, et ce, même si la personne possède un réseau social.

 

 

Impact de la solitude sur la santé

 

La solitude est un réel problème de santé publique. Elle est similaire à une expérience d’état de stress, état qui augmente le risque de maladies chroniques (maladies cardiovasculaires, démence, dépression). Les personnes souffrant de solitude ont aussi un risque plus élevé de sommeil fragmenté, d’anxiété, d’accès de colère, de dépendance affective, de paranoïa et de suicide.

 

Les problèmes de dépendance sont aussi alimentés par la solitude. Un des membres fondateurs des alcooliques anonymes (AA) a dit que la solitude est à l’origine de l’alcoolisme.

 

 

 

Enfin, les personnes plus seules vivent moins longtemps. Le support social serait d’ailleurs le facteur de protection le plus important face à notre espérance de vie.

 

 

Le couple et la famille

 

En raison du support social qu’ils confèrent, le couple et la famille sont très fortement valorisés dans notre société. Ainsi, la relation conjugale est hautement valorisée comparativement au célibat, à condition que le couple soit construit sur la base du sentiment amoureux. La difficulté à atteindre cet idéal culturel rend paradoxalement l’engagement anxiogène et les unions de plus en plus fragiles. Si bien qu’au cours des dernières années, la proportion d’adultes célibataires ne cesse d’augmenter.

 

De leur côté, les personnes qui sont en couple nourrissent de grandes attentes envers leur partenaire, qui représente souvent leur principal rempart face à la solitude.

 

 

Plus encore que le couple, la famille est perçue de nos jours comme le dernier bastion du lien social dans un monde anonyme et concurrentiel. Le dernier espace de solidarité inconditionnelle et désintéressée, le dernier filet protecteur.  

 

 

La solitude chez les personnes âgées

 

Avec l’avancée en âge, le risque de se retrouver isolé devient plus important. Les collègues de travail se perdent de vue. La famille se réduit. Les amis s’éloignent. Les voisins se déplacent moins souvent. L’isolement est aussi la conséquence d’incapacités qui se cumulent. L’isolement peut aussi être la conséquence d’une attitude culturelle : certains milieux sont davantage prêts à prendre en charge les personnes âgées que d’autres (culture communautaire versus culture individualiste).

 

D’autre part, certaines personnes placées en résidences pour personnes âgées souffrent en silence. Elles s’isolent dans leur chambre, elles se laissent aller, elles mangent très peu, elles sont sans appétit. Elles ne se déplacent pratiquement plus et passe le plus clair de leur temps à somnoler dans leur lit. L’entourage pense que cette absence de réaction est liée à la maladie alors que la cause est dans le fait même du placement, dans la solitude et le sentiment d’être rejeté, de ne plus compter pour personne, sentiment qui fait perdre le goût et l’envie de vivre.

 

Enfin, le suicide chez les ainés, conséquence la plus violente de l’isolement, est un problème qui connaît une ampleur mondiale. Au Québec, sur 1000 suicides rapportés chaque année, 13% ont été commis par des personnes âgées.

 

 

La honte associée à la solitude

 

Il semblerait que les personnes seules éprouvent de la difficulté à demander de l’aide aux autres. En effet, il y a de la honte associée à la solitude. Quand on est seul, on tend à porter notre attention sur nous-mêmes et non sur les autres, de manière à être certain qu’on est en sécurité. Lorsque nous souffrons de solitude chronique, cela réduit notre estime de soi. On se dit qu’on est seul parce qu’on n’est pas aimable. Les autres se demandent « Pourquoi tu ne rencontres pas d’amis ? ». Mais quand on comprend le mécanisme de la solitude, la honte associée à cette solitude, on se rend compte que le cercle vicieux n’est pas facile à briser.

 

 

Éviter la solitude

 

Les personnes qui craignent la solitude peuvent l’éviter par de multiples moyens. D’abord, ils peuvent éviter tous les moments où ils se retrouvent seuls, cherchant à surcharger leur quotidien par de nombreuses relations ou activités. Ils peuvent également éviter tout moment d’introspection.

 

Dans les cas les plus sévères, certaines personnes pourraient développer des dépendances pour éviter le sentiment de solitude. Cette peur n’est donc pas directement celle de la solitude, mais surtout celle de se retrouver face à soi-même et de ressentir des émotions difficiles comme l’ennui, l’angoisse, la tristesse, la colère, le vide et l’abandon. Certains vont aussi tolérer des relations toxiques afin de ne pas se retrouver seuls.

 

 

 

L’aliénation de soi

 

La fuite continuelle de la solitude peut engendrer une forme particulière de souffrance : l’aliénation de soi. La personne n’arrive plus à entrer en contact avec elle-même et à savoir qui elle est. Elle n’arrive plus à identifier ses goûts, ses besoins et ses aspirations. L’aliénation de soi augmente aussi la solitude affective. En effet, lorsqu’il est impossible d’entrer en contact avec soi-même, il devient impossible de créer des relations interpersonnelles authentiques.

 

 

Comment apprivoiser la solitude et mieux découvrir sa vie intérieure ?

 

  • Écrire : L’écriture permet de visualiser sur papier ce que l’on ressent et ce que l’on pense. Par exemple, vous pouvez noter toutes les expériences que vous aimeriez vivre, les rêves et les buts que vous voudriez accomplir, sans vous censurer. En vous interrogeant ensuite sur ce qui vous empêche d’accomplir ce que vous avez identifié, vous vous rendrez compte que c’est souvent la peur du jugement des autres qui vous empêche d’agir. Profitez de ces moments de solitude pour prendre conscience que vous êtes la seule personne responsable de créer votre vie, et la mieux placée pour savoir ce dont vous avez réellement besoin.

 

 

  • Faire le point sur vos relations : Les moments de solitude peuvent être utilisés pour revisiter vos relations afin de les rendre plus nourrissantes. Réfléchissez d’abord à vos besoins, vos envies ou à ce qui vous rend insatisfait dans une relation. Questionnez-vous sur la valeur et le sens que vous accordez à cette relation en particulier. Cela vous permettra d’identifier des pistes de solution que vous pourrez aborder avec l’autre afin que votre relation soit plus satisfaisante. Le fait de s’investir activement dans l’enrichissement d’une relation permet de développer des liens plus profonds, plus intimes et souvent plus durables. Cela permet donc de se sentir moins seul. Ce moment de réflexion peut aussi mener au choix de mettre fin à une relation qui ne correspond plus à ce que vous souhaitez vivre.

 

  • Faire des activités personnelles : Au début, il peut être difficile ou même inconfortable de faire des activités seul. Vous pouvez donc commencer à vous habituer graduellement à le faire. Différentes activités peuvent vous permettre d’enrichir vos moments de solitude. Faire du sport, lire ou aller au cinéma sont des manières d’aborder activement la solitude. Vous consacrer au développement de vos talents artistiques est un bon moyen de vivre une expérience positive dans la solitude. Prendre le temps de faire quelque chose dont vous avez envie depuis longtemps comme planifier un projet ou un voyage.

 

 

Pistes pour aller vers les autres

 

  • Provoquer des rencontres : S’inscrire à des activités pour faire de nouvelles rencontres peut enrichir votre réseau social. Lorsque vous souffrez de solitude, mais que vous craignez de déranger les autres, osez appeler ou aller rendre visite à un proche. Il faut parfois prendre des risques pour répondre à ses besoins. Créer des liens avec des personnes qui sont proches géographiquement est plus facile.

 

 

 

  • S’impliquer dans la vie sociale au sein de son milieu de travail ou d’études : S’impliquer permet de faire de nouvelles rencontres tout en développant ses habiletés sociales et ses forces.

 

  • Faire du bénévolat dans la communauté : Cela vous permettra d’évoluer dans d’autres sphères sociales et de multiplier vos rencontres. Se sentir utile augmente aussi la confiance en soi, ce qui peut vous aider à oser aller vers les autres.

 

  • Consulter un intervenant : Cela permet de développer ses ressources personnelles. Par exemple, comprendre les causes de son isolement et diminuer la souffrance liée à la solitude, dépasser ses peurs, développer ses habiletés sociales et de communication, avoir une vision réaliste de soi-même, développer des habitudes favorisant la création de liens avec les autres, augmenter son estime de soi.

 

  • Rendre service : Cela permet de se décentrer de soi et d’aller vers l’autre d’une manière positive. Nous ajoutons de la valeur à la vie de quelqu’un d’autre. On peut rendre service de différentes façons. Par exemple, appeler un ami qui vit des choses difficiles, visiter un voisin âgé, aider un collègue au travail qui vit une journée difficile, écouter profondément quelqu’un.

 

 

Conclusion

 

La solitude est un réel problème de santé publique à tous les âges de la vie et particulièrement chez les aînés.

 

Le soutien social, à contrario, est le facteur de protection numéro 1 face à notre espérance de vie. C’est pour cela que l’on valorise autant le couple et la famille dans notre société.

 

Il y a également une honte associée à la solitude. Nombreux sont ceux qui veulent l’éviter à tout prix, au risque de s’aliéner eux-mêmes.

 

Heureusement, au niveau de l’individu, il existe divers moyens tant pour apprivoiser la solitude que pour aller vers les autres. Il faut savoir aussi qu’entretenir son réseau social demande des efforts et de la discipline.

 

Il n’en demeure pas moins que les pouvoirs publics ont un grand rôle à jouer dans la lutte à la solitude. Ainsi, il est préférable que nos élus appréhendent les personnes non pas comme des êtres isolés, mais comme des êtres sociaux qui sont inscrits dans des liens et des appartenances.

 

Les politiciens doivent également tout mettre en œuvre pour créer du lien social, en donnant par exemple toutes les ressources nécessaires aux organismes communautaires. Faire en sorte notamment que le milieu communautaire ne soit plus sous-financé.

 

Et pourquoi pas créer un ministère de la solitude comme au Royaume-Uni ?